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  Lorsqu’ils approchent, il tend aux Romains cette embuscade de cavalerie dont l’emplacement doit constituer la preuve de l’identification de l’Alésia antique.

  L’embuscade ayant finalement tourné à l’avantage des Romains, Vercingétorix n’engage pas l’infanterie qu’il avait amenée sur les lieux de l’embuscade : pas de combat en plaine. Il la ramène intacte sur l’oppidum préparé à l’avance.

  Il y recueille sa cavalerie battue. Remarquons d’ailleurs que si la cavalerie battue et dispersée trouve si vite et de nuit l’oppidum où Vercingétorix se rend de son côté, c’est évidemment que chacun sait où et comment le rallier. Ce n’est pas une fuite au hasard mais l’application d’une consigne. 

  Protéger son armée et bloquer César, ce n’est pas assez. Pour le détruire, il faut le prendre à revers : tandis qu’ils sont immobilisés, une seconde armée gauloise, bien plus nombreuse encore, va surgir sur les arrières des Romains qui seront pris en tenaille.

  Cette manœuvre combinée avait-elle été prévue elle aussi ?  César dit le contraire, ce serait pour lui une réaction spontanée des cités gauloises à la nouvelle du début du siège ; mais ne veut-il pas s’absoudre de s’être fait piéger par un Gaulois ?  Car mobiliser 240 000 hommes venant de toute la Gaule encore libre pour en finir dans un délai fixé d’avance, un mois, voila qui révèle plutôt une solide préparation et le respect d’un plan antérieur.

A la recherche d’une preuve
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  Les données stratégiques évidentes renforcent les informations données par César et Dion Cassius.

  De Langres, la route classique vers la Gaule Narbonnaise par la Saône et le Rhône est la plus longue. Elle est surtout militairement des plus risquées : elle longe entre autres le territoire des Eduens et celui des Arvernes, et César écrit qu’elle est bloquée. Sur des centaines de kilomètres, elle exposerait les colonnes romaines en retraite à des attaques incessantes alors que les légionnaires étaient découragés avant même de se mettre en route. Ce n’était certainement pas la route « la plus facile ».

  Trois autres itinéraires existent. Ils passent par le Jura. Celui du sud par Nantua n’est pas possible. Il présente les mêmes difficultés militaires et géographiques qu’en suivant la Saône et le Rhône : offrir aux Gaulois la possibilité d’attaques incessantes sur les colonnes romaines en marche.

  Celui du nord par Pontarlier serait pire (1): il viendrait buter sur les Helvètes, même affaiblis, ennemis notoires des Romains et tout particulièrement de César. Beau final pour une armée en retraite !

(1) D'autant plus qu'il n'est pas certain que cette route existât à cette époque, au mieux il s'agissait d'un itinéraire secondaire. Cet axe semble avoir été créé ex-nihilo par les romains, voir : Réseaux antiques et emplacements des sanctuaires du Jura dans Christoph Brombacher, Michel Guélat, Nigel Thew. Le massif du Jura à l’époque romaine. Terre de frontière ou de peuplement ? État des données Deuxièmes Journées Archéologiques Frontalières de l'Arc Jurassien  Le peuplement de l'Arc Jurassien de la Préhistoire au Moyen Âge, 2007, p. 400.

  Ne reste alors qu’un seul itinéraire possible, celui qui partant de Langres (ou de ses environs) passe par Mirebeau, Auxonne, Tavaux (près de Dole) ; oblique ensuite au sud-est vers Poligny, Champagnole, Crotenay, puis emprunte les passes du Jura vers l’actuelle Nyon (fondée par César après la guerre), puis Genève.

  César connaissait-il l'Alésia du Jura? C'est plus que probable car il était déjà passé chez les Séquanes au début de la guerre. D'autre part, Alésia étant "la métropole religieuse de toute la Celtique" il aurait été surprenant qu'il n'ait pas entendu parler de son site ; mais l'apparente inaction des Séquanes ne lui faisait pas présager que cet emplacement parfaitement franchissable en temps de paix était devenu le pivot militaire de la révolte.




Noir:
itinéraire courant vers la Gaule Nar- bonnaise par les vallées de la Vin- geanne, de la Saône et du Rhône.

Rouge foncé:
itinéraire imaginé pour atteindre Alise-Sainte-Reine.

Rouge:
départ des trois itinéraires de fran-chissement du Jura.

Signification des tracés:



 
Noir continu :
itinéraire central. Le seul facilement utilisable par les Romains mais qui bute sur l'Alésia du Jura.  

Tirets noirs:
l’itinéraire par le nord tenu par les Helvètes, ennemis des Romains ; cet itinéraire présente des risques importants pour une armée en retraite.

Pointillés noirs:
itinéraire par la sud (Nantua), le plus long et très exposé aux attaques latérales.

Carte « La seule route ouverte vers Genève  »:

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  Les Gaulois bloquent l’itinéraire vers la vallée du Rhône, il faut l’éliminer. L’itinéraire vers Alise-Sainte-Reine n’est justifié que par la supposition qu’elle serait l'Alésia antique ; cet itinéraire défie la destination indiquée de Genève et la sortie de la Gaule. Les trois voies de franchissement du Jura par le nord, le sud et le centre s’imposent donc mais leur valeur très inégale impose le passage par le centre.

La voie protohistorique, du col de Pointat à la sortie de la plaine de Syam

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  Dès que Vercingétorix voit la direction prise par César après Tavaux, il organise son dispositif pour réussir l’interception en trois temps : embuscade pour affaiblir l’armée romaine en retraite ; renforcement des défenses d’Alésia ; tenue de la position durant un mois, le temps prévu pour l’arrivée de la seconde armée. Ce délai sera dépassé de plusieurs semaines.

  Passé l’oppidum d’Alésia, les cols modestes du Jura permettent d’atteindre Genève après 70 kilomètres dont un tiers en plaine le long du lac.

  Il est admis (déjà en 1928 par Camille Jullian, pourtant partisan d’Alise-Sainte-Reine) que cet itinéraire de Langres à Genève existait dès cette époque : une voie protohistorique le suivait et ses traces sont toujours visibles en de nombreux points de son parcours, y compris aux abords de l’oppidum d’André Berthier.

  Il présentait pour César trois avantages majeurs. D’abord, c’était le plus court pour « quitter la Gaule ». Ensuite, en se dirigeant vers le Jura (les Séquanes), il se tenait toujours dans l’est puis le sud-est du territoire ami des Lingons, ce qui le protégeait des attaques de flanc ; et après Tavaux, il entrait dans le territoire des Séquanes sur la neutralité desquels il comptait. A tous points de vue, c’était bien la route « la plus facile » selon ses propres termes. Il ignorait manifestement que Vercingétorix avait manœuvré pour le bloquer à l’entrée du Jura, à Chaux.

  Depuis Camille Jullian, les historiens modernes (notamment Pierre Nouvel) ont redéfini les points de passage de cette vieille voie dans sa traversée du Jura après Poligny : franchissement de la Côte de l’Heute au col de Pointat puis Crotenay, Champagnole, et les cols de la Savine, du Morbier, de la Givrine et de Saint-Cergue, l’emplacement de Nyon et enfin Genève. Ce faisant, ils valident très largement dans leurs études les plus récentes l'itinéraire Dôle-Genève étudié par André Berthier il y a 50 ans.

  Avant eux en effet, alors que les études manquaient malgré certaines observations prometteuses faites sur le terrain, celui-ci proposait un itinéraire d'une parfaite simplicité : après Crotenay (lieu de l’embuscade de cavalerie) et Champagnole, il empruntait le tracé relativement plan de la future nationale 5 pour gagner l'oppidum, le traversait puis en sortait au sud par le col du Gyps, voie la plus directe pour la Savine. Cette voie fut utilisée des siècles durant avant l’aménagement des gorges de la Lemme.

 L'itinéraire antique de l'Alésia du Jura à Genève.

 Reste une question : s’ils ne reprennent pas ce trajet, où les historiens modernes font-ils passer leur itinéraire entre Champagnole et la Savine ?  On ne sait trop car ils font preuve d’une grande discrétion : décrire une route qui citerait l’oppidum d’André Berthier ?  Plutôt mille fois n’en rien dire !  Et tracer sur la carte un contournement imprécis.

 Or il existe un autre passage manifes- tement inscrit, lui, dans la topographie : à l’entrée des gorges de la Lemme, un large gué donne accès à une série de rampes naturelles qui mènent au plateau de Chaux.  Ce plateau est traversé de cent chemins divers et rend le col de Gyps accessible sans difficulté aucune. De là à la Savine, le trajet est direct. Pourquoi préférer un contournement de l’oppidum par l’ouest de la Lemme dans une topographie contraire et par des cheminements incertains et purement hypothétiques ?

 Ce n’est donc pas parce que l’histoire de l’Alésia antique oblige César à faire le siège d’un oppidum que celui de Chaux peut être le site d’Alésia ; c’est parce que Chaux présente une topographie qui en fait un point de passage inévitable sur l’itinéraire Langres-Genève suivi par César.

 Et dans ce point de passage inévitable, la présence inattendue de Vercingétorix obligea César à assiéger l’oppidum.

  Les historiens présentent souvent Vercingétorix comme un homme irréfléchi se laissant allers à des initiatives hasardeuses dont l’issue fut une inévitable défaite. On a fait pire avec Jacques Harmand (voir son livre, on ne le regrette pas). Les textes de l’Antiquité établissent tout le contraire. En citant les initiatives qu’il prit jusqu’à la fin ils dressent le portrait d’un véritable stratège.

  Dès sa prise de commandement, il impose son autorité sur tous les contingents gaulois et instaure une discipline de fer. Il refuse toute bataille d’infanterie en plaine où il serait battu (César le dit expressément). Il lui préfère une stricte et féroce politique de la terre brûlée qui amène les Romains à faire retraite. Il leur bloque toutes les routes sauf une, celle de Genève et César l’emprunte. Sur cette route, César le dit aussi, il garnit par avance de troupes et d’approvisionnement une citadelle imprenable, Alésia, qui interdit le passage.

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  Il faut bien conclure de l’enchaînement de tous ces faits que Vercingétorix suit dès la début un plan stratégique complexe et adaptable, visant d’abord à l’affaiblissement puis à l’anéantissement des Romains. L’affaiblissement par la politique de la terre brulée et l’embuscade de cavalerie ; l’anéantissement par la survenue d’une seconde armée gauloise une fois les Romains immobilisés devant Alésia.

  Tout cela est incompatible avec Alise-Sainte-Reine et les théories universitaires élaborées sans tenir compte des nombreuses informations stratégiques disponibles ni des plus simples réalités militaires.

Chaudron celtique de Gundestrup datant du -II siècle. Musée de Copenhague

Vercingétorix s’est-il souvenu de Gergovie

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  La stratégie de Vercingétorix reprend les principes de la victoire de Gergovie : d’une part bloquer les Romains devant une citadelle fortement défendue ; d’autre part les prendre à revers avec un contingent extérieur. Ce rôle fut tenu à Gergovie par la cavalerie gauloise des Eduens : alliés des Romains jusque-là, ils se retournèrent contre eux. Ce mouvement, plus ou moins improvisé alors, fut systématisé et répété à Alésia par une puissante armée intervenant dans le dos des assiégeants Romains.

  En concevant sa stratégie, Vercingétorix n’improvisait pas au hasard : il n’avait pas oublié Gergovie.

  Jacques Harmand croit dur comme fer en Alise-Sainte-Reine. Comme dans cette localisation il ne voit, dit-il, qu’invraisemblance générale et sottise militaire, il cherche une explication rassurante et la trouve : Vercingétorix était le complice de César et fit exprès toutes les bêtises possibles pour lui faciliter la tâche !  Voilà donc un érudit, partisan d’Alise-Sainte-Reine, qui démontre que celle-ci est tellement aberrante qu’il faille inventer une aberration plus monstrueuse encore pour la sauver. Que dire de pire contre Alise-Sainte-Reine et ses preux chevaliers qui n’on jamais couru une lance hors de leur bureau ?

Voie protohistorique