D- DISCUSSION GÉNÉRALE











          1- In Sequanos : application de la règle et exemples
  

  « Iter faceret » - faisait route - marque un déplacement, « in » est une préposition, « Sequanos » un accusatif. Le sens premier d’aller « chez » les personnes où « dans » les lieux s’impose. César suit cette règle chaque fois (plusieurs centaines de cas), qu’il se rend « dans » une région où « chez » un peuple.   Trois exemples particulièrement significatifs :

 Au tout début de la guerre, « Caesar in Sequanos exercitum deduxit » est traduit par L. A. Constans : « César mena ses troupes chez les Séquanes.» On lit bien chez. L. A. Constans utilise les trois clefs. Mais quand à la fin de la guerre elles mettent César dans le Jura, ce qui condamne Alise-Sainte-Reine, il viole ces règles qu’il applique partout ailleurs et écrit que César va « vers » les Séquanes sans les atteindre. Inexcusable.

 « Vercingétorix copias… Alesiam reduxit » se traduit par « Vercingétorix ramena son armée dans Alésia » Évidemment dans Alésia, ce que le lecteur latin comprend aussitôt de l’accusatif singulier « AlesiAM » (sans « in » devant « Alesiam » parce que c’est une ville).

 Grande différence quand César se rend également à Alésia : « ad AlesiAM castra fecit » se traduit : « [César] campa près d’Alésia. » Sans la préposition « ad » le lecteur latin comprendrait que César s’installerait aussi dans Alésia !

  C’est donc de la même façon et en toute rigueur grammaticale que César aurait utilisé « ad » pour signifier aller « vers » et non « chez » les Séquanes ». Or il a mis « in ».


2- Existe-t-il une exception ?

  C’est une interprétation de bon sens plutôt qu’une règle : si un cas de force majeure présent dans le texte établit qu’aller « chez » ou « dans » est impossible il faut traduire « in » plus accusatif avec un verbe de mouvement par « vers ».

  On connaît cette interprétation aussi en français. L’expression « Il va chez le dentiste » signifie qu’arrivé, il entre à coup sûr dans son cabinet. Mais « Il va chez le dentiste ; le cabinet est fermé » signifie que malgré une construction grammaticale et un but inchangés, un cas de force majeure fait qu’il n’est pas allé chez mais vers le cabinet du dentiste.

  Deux exemples en latin pris dans La guerre des Gaules :

Le texte marque nettement l’impossibilité totalement imprévue (cas de force majeure) de se réfugier dans le camp malgré le « in » qui indique la nécessité d’y aller. Cette impossibilité imprévue créée par les Nerviens est bien présente dans le texte.

Utiliser « ad » signifierait que César ne chercherait pas à entrer dans la Province mais seulement à s’en approcher. « In » au contraire dit à la fois que César y entrera, qu’il n’y est pas encore et que Vercingétorix l’en empêche à coup sûr. Le cas de force majeure est doublement établi. La traduction par « vers » est donc nécessaire.


          3- Une interprétation impossible

  Pour traduire par « vers », on soutiendra que César a la volonté d’atteindre le pays des Séquanes et l’exprime par « in Sequanos ». Mais une impossibilité serait apparue : l’attaque des Gaulois (malgré leur défaite ?), puis le repli de toute l’armée gauloise sur Alise-Sainte-Reine et sa poursuite jusque-là en tournant le dos aux Séquanes avant de les avoir atteints. César serait donc bien allé « vers » les Séquanes et non « chez ».   Cette apparente logique n’a qu’un défaut, mais décisif : dans le texte, elle n’est appuyée sur rien. Où est le cas de force majeure ?

  Tout d’abord, César ne dit nulle part changer de direction ; ce serait quand même le minimum puisque pour gagner Alise-Sainte-Reine il devrait aller à l’Ouest alors que les Séquanes sont à l’Est. Ce complet demi-tour, cette volte-face, est une pure supposition qui n’est pas dans le texte. Quand les troupes ne peuvent rentrer dans leur camp, César précise qu’elles prennent « une autre direction ». Et ici, où il s’agirait non d’une escarmouche mais d’une décision capitale, d’un changement radical de stratégie mettant fin à huit ans de guerre il n’en parlerait pas ?  C’est invraisemblable.

  Ensuite, César ne signale l’apparition d’aucune nécessité l’obligeant à changer de direction après la bataille, contrairement aux impossibilités clairement exprimées dans les deux textes précédents.
 

  Cette nécessité est imaginée par le traducteur. Celui-ci, L. A. Constans, a la conviction qu’Alise-Sainte-Reine est l’Alésia antique, conviction que César détruit s’il est dans le Jura : il traduit donc par « vers ». Là encore c’est tenir pour acquis ce que le texte ne dit pas.

  Les préférences d’un traducteur ne sont pas un cas de force majeure, tout juste un abus hautement condamnable.


          4- Compléments décisifs : « in Sequanos » et « per extremos fines »

  Les grammaires, les dictionnaires et d’innombrables exemples établissent que la marche de César va aboutir forcément chez les Séquanes. Mais y est-il arrivé quand les Gaulois attaquent ?  Là encore la réponse est parfaitement claire et figure en toutes lettres dans le texte.
 

  « In Sequanos » n’est que l’un des deux compléments de lieu de ce membre de phrase, l’autre étant « per extremos lingonum fines » traduit par L. A. Constans : « en traversant l’extrémité du territoire des Lingons » ce qui n’appelle aucun commentaire grammatical ni lexical, mais le sens ?

  Le texte ne dit pas que César ne parcourrait qu’une partie de l’extrémité de ce territoire. Il dit qu’il le traverse. Autrement dit et pour faire image, César y entre par un bout et en sort par un autre ; on sait qu’il est entré en venant de chez les Lingons : où sort-il donc ?

  C’est là qu’on voit combien la dispute sur le sens de « in Sequanos » est artificielle : quand César sort de « l’extrémité du territoire des Lingons », qu’il aille vers ou chez les Séquanes, en y allant… il y est !  Il est en train de franchir la frontière.
 

  Les deux compléments de lieu placés côte à côte dans une même expression sans rupture ne peuvent être traduits indépendamment l’un de l’autre, comme si d’un côté César allait chez ou même vers les Séquanes et que de l’autre il traversait totalement le bout d’un pays et en sortait dans une direction différente de celle qu’il indique !  L’armée en retraite s'étirant sur des dizaines de kilomètres, ces deux compléments décrivent la pénétration en Séquanie comme l’effet d’un mouvement continu incluant la traversée du territoire des Lingons. Pourquoi continu ?  Parce que César dit qu’il faisait route, non qu’il avait fait route. Cela signifie que l’entrée chez les Séquanes est en cours, qu’elle n’est pas terminée. Son armée est à cheval sur la frontière et cela correspond exactement au sens donné par les trois clefs : un mouvement qui est en cours, qui aboutit dans le lieu mais qui n’est pas totalement réalisé. Ajoutons que l’expression « iter faceret » moins définie que les « deduxit » et « reduxit » cités plus haut renforce encore cette idée de passage continu.

  Loin de la grammaire mais César est un écrivain : on a parlé du « latin de César » fait de redites choisies, de synonymes rapprochés, de rappels et d’expressions se renforçant l’une l’autre : en voici un parfait exemple où deux compléments appuient une même idée.


  La traduction de « in » par « chez » ne découle donc pas seulement des lois grammaticales élémentaires. Elle est exigée également par la présence de « per extremos Lingonum fines » accolé à « in Sequanos. »

          5- Deux latinistes éminents, piliers de la présence de César chez les Séquanes.

  Nous avons déjà vu que Féfix Gaffiot ne peut accepter la traduction de « in » par « vers » dans le cas qui nous occupe et qu’en conséquence il met les habitants d’Alésia en Franche-Comté.
 

  De son côté Jérôme Carcopino, historien et latiniste majeur refusa lui aussi de traduire « in Sequanos » par « vers les Séquanes ». Dans Alésia et les ruses de César il présente son analyse sous le titre explicite « Alésia est chez les Séquanes ». Malheureusement, en partisan invétéré d’Alise-Sainte-Reine il tira de sa traduction des conclusions unanimement rejetées : il déménagea les Séquanes en Bourgogne !

  Il n’empêche, cet éminent connaisseur des règles et de l’esprit même du latin savait que le texte de César impose que l'Alésia antique ne pût être que chez des Séquanes… qui ont toujours habité le Jura.

  Félix Gaffiot et Jérôme Carcopino, des étudiants incapables de traduire deux lignes de César ?  Étrange.


          6- Conclusion sur les deux indications de César :

  Comment traduire encore « in Sequanos » par « vers les Séquanes » [sans y entrer] ?


   
 - Les règles grammaticales les plus communes l’interdisent (in et ad) ;
     - Le texte de César n’apporte aucun élément qui l'autorise ;
     - Le couple des compléments de lieu l’exclut ;
     - Les meilleurs latinistes le récusent.


  Le texte indique bien que César est entré dans le territoire des Séquanes. Il faut donc traduire au plus près du latin : « …comme César passait chez les Séquanes par l’extrémité du territoire des Lingons afin de pouvoir plus aisément secourir la Province… »
VarronPlutarqueCassius

  César est donc dans le Jura, à 150 km d’Alise-Sainte-Reine.



          7- Des auteurs antiques confirment les textes de César    Clic >






          8- Conclusion sur les textes antiques et la bataille de cavalerie


  Les textes antiques mettent l’armée romaine chez les Séquanes, dans le Jura, immédiatement avant le siège de l’Alésia antique. Sans même citer Varron d’Atax, le triple témoignage de César, Plutarque et Dion Cassius confirme la découverte par André Berthier d’un site double (plaine et oppidum) dans le Jura et condamne Alise-Sainte-Reine.


  Ses défenseurs opposent alors à ces textes des arguments spécieux :

     - Inapplication de règles de grammaire élémentaires (César - in Sequanos) ;

     - Recours à des exemples ou comparaisons irrecevables (César - in Sequanos) ;

     - Contresens (César - altero die) ;

     - Négligence du sens des mots (Plutarque - franchir) ;

     - Condamnation futile d’un historien (Dion Cassius).


  Ces procédés fallacieux ne sont d’aucune utilité pour sauver Alise-Sainte-Reine ; en outre, ils ne peuvent rien contre le site du Jura, bien au contraire : recourir à de pareilles arguties prouve l’absence de véritables arguments contre lui.

  Ces données décisives ont été établies à trois époques distinctes ; elles ont été rédigées dans deux langues différentes et proviennent de trois historiens sans liens directs, un homme politique de premier plan, un historien moraliste et un haut fonctionnaire impérial. Cette extrême diversité d’origine aboutit au même témoignage : peut-on mieux établir un fait historique ?

          Grammaire de Lhomond - 1832

          C- Les faiblesses des traductions par « vers les Séquanes »

  Tous les dictionnaires et toutes les grammaires enseignent qu’avec un verbe de mouvement le « in » latin et l’accusatif montrent que le déplacement se termine par l’entrée effective dans le lieu ou chez les gens où l’on va.


          Vraiment toutes les grammaires ?

  Ce fait est à lui seul une condamnation d’Alise-Sainte-Reine. Il faudrait en trouver au moins une qui lui soit accommodante. Dans ce but, Michel Reddé invoque la parole d’un fils de Louis-Philippe, le duc d’Aumale, très noble mais très piètre latiniste, tout-à-coup promu latiniste de référence (?). Il s’y réfère dans son livre « L’Archéologie face à l’imaginaire » en haut de la page 48, cette même page où il menace ses étudiants trop scrupuleux. Voici qu’Aumale aurait découvert une grammaire qui permettrait de traduire par « vers », la grammaire de Lhomond.     Clic >



Félix Gaffiot - 1934







< Clic   Et les dictionnaires ?


  Leur consultation confirme évidemment les règles données par les grammaires.

 Les spécialistes de l’architecture même de la langue latine sont d’accord pour ne pas soutenir la traduction de « in Sequanos » par « vers les Séquanes ».



Marius Lavancy - 1985
                                





          Et les grammaires récentes ?

  Et s’il était encore possible d’avoir un doute, la récente grammaire de référence (VSVS pour USUS, le Bon Usage) publiée en 1985 par Marius Lavency de l’Université de Louvain le lèverait.   Clic >









  Grammaires et dictionnaires établissent formellement le changement de lieu : selon eux, qui sont les seules autorités en matière de règles, César ne peut donc pas marcher en direction des Séquanes sans y entrer ; il doit obligatoirement les atteindre et pénétrer chez eux.

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LE LATIN CONDAMNE DEUX FOIS ALISE-SAINTE-REINE
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 Alphonse AllaisS’il fallait le confirmer une dernière fois, on se reporterait ci-contre à l’article du Gaffiot sur les Mandubiens, habitants de l'Alésia antique, qu’il met naturellement en Franche-Comté.


 Une fois terminé ce rappel complet des trois règles extrêmement simples qui commandent la traduction de « in » suivi d’un complément de lieu mis à une forme dite « accusatif » avec un verbe de mouvement, nous pouvons entrer dans le détail de cette traduction et des interprétations fautives qui en sont données.





  DES « CHEVALLES BLANCHES » EN VEUX-TU EN VOILÀ…   Clic >

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 Résumé :

1 - In Sequanos : application de la règle et exemples

2 - Existe-t-il une exception ?

3 - Une interprétation impossible

4 - Compléments décisifs : in Sequanos et per extremos fines

5 - Deux latinistes éminents piliers de la présence de César chez les Séquanes

6 - Conclusion sur les deux indications de César

7 - Et Varon d’Attax ?  Plutarque ?  Dion Cassius ?

8 - Les textes antiques, la bataille de cavalerie et la localisation de l'Alésia antique.