L'archéologue Pierre Nouvel
et le contournement
de l’oppidum de Chaux

  L’archéologue Pierre Nouvel a dessiné un itinéraire qui conduis bien César jusqu’à la Savine mais en ignorant l'oppidum d’André Berthier (Chaux-des-Crotenay). Pour qui connaît les lieux cette omission est difficile à comprendre, d’autant que la colline possède une voie de passage directe toujours visible et qu’il n’existe ailleurs aucune trace d’une voie de contournement sur ce terrain très tourmenté. Pourquoi en inventer une sur le papier ?

  Certes, au début tout va bien puisqu’après Champagnole, l’itinéraire de Pierre Nouvel passe par des lieux sans obstacles majeurs : Sapois, Bourg-de-Sirod et Syam ; mais au bout de l’étroite plaine de Syam voici qu’apparaît droit devant… l’oppidum d’André Berthier !

  
Alors, spontanément, la voie étudiée s’enfuit à sa vue et s’en éloigne au plus vite. Comment ?


  





  Le seul intérêt de ces hypothèses serait de ne pas être bloqué par l’oppidum et même de ne pas le citer. Voire !

  Dans le cadre de la thèse d’André Berthier et dans tous les cas envisagés, on ne peut éluder une double difficulté, technique et militaire.
 - Technique d’abord, comment faire passer sans dommage les centaines de chars à bœufs qui traînent à 3 km à l’heure matériel et butin par des chemins gaulois mal frayés, si toutefois il y en eut, puis par une série de resserrements ?  Imagine-t-on l’embouteillage ?
 - Militaire ensuite : ces immenses colonnes engagées sur un terrain montueux seront presque aussitôt aux prises avec les Gaulois sortis de leur refuge tout proche et évoluant dans des conditions où les Romains jouissent d’une supériorité bien moindre qu’en plaine. César ne peut prendre pareil risque.

  Reste alors l’existence d’un passage par l’oppidum lui-même
avec sa sortie bien identifiée par le col de Gyps, qui permet de rejoindre directement celui de la Savine.

  D’autant qu’il existe toujours, par des gués, plusieurs accès à l’oppidum depuis la plaine de Syam et les deux vallées ; les plus importants partent de l’entrée de la Lemme dans la plaine de Syam.   Ces entrées, toujours praticables, sont suffisamment accessibles pour permettre d’une part l’arrivée des 80 000 fantassins de Vercingétorix, de leurs centaines de charriots et des troupeaux ; et d’autre part les mouvements de troupe massifs lors des violents combats, y compris de nuit. Ces passages pouvaient donc suffire également à l’armée de César, et autrement mieux que des tracés cartographiques supposés et des contournements sans fins ni moyens n’ayant laissé aucune trace sur le terrain.

  Un itinéraire complexe tracé sur carte par l’ouest de la Lemme peut-il être plus réel que la traversée de la colline de Chaux par ses accès naturels, avérés et utilisés durant des siècles ?

- Par les gorges étroites de la Lemme évidemment non aménagées à l’époque et impraticables à     des charrois ?  

- Plus au large de la Lemme, vers le sud-ouest, par des chemins uniquement supposés, non identifiés et alambiqués à plaisir ?

- La vallée de la Saine alors ? Mais aucune voie n’y est signalée et son ouverture sur la plaine de Syam se referme bientôt.


 Sources  -  D'après Pierre Nouvel dans :

  * Pierre Nouvel, Cédric Cramatte. Réseaux antiques et emplacements des sanctuaires du Jura. Dans Christophe Brombacher, Michel Guélat, Nigel Thew. Le massif du Jura à l’époque romaine. Terre de frontière ou de peuplement ?  État des données - Deuxièmes Journées Archéologiques Frontalières de l'Arc Jurassien - Le peuplement de l'Arc Jurassien de la Préhistoire au Moyen Age, 2007, 385-409, p. 400.

  * Michel Kasprzyk, Pierre Nouvel. Les mutations du réseau routier de la période laténienne au début de la période impériale : apport des données archéologiques récentes. Sous la direction de Michel Reddé. Michel Redde, Philippe Barral, Francois Favory, Jean-Paul Guillaumet, Martine Joly, Jean-Yves Marc, Pierre Nouvel, Laure Nuninger, Christophe Petit. Aspects de la Romanisation dans l'Est de la Gaule- 1, Bibracte 21, 2011, 21-42, p.23

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