L’Alésia du Jura
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  Nous avons tous à l’esprit que les fortifications romaines furent imprenables et nous venons de voir que César tira profit d’un relief qui était aussi favorable à l’assiégeant qu’à l’assiégé. Aussi favorable, les vallées encaissées sont à la fois des défenses pour les Gaulois et un enfermement fourni gratuitement aux Romains.  
  Pourquoi Plutarque écrit-il alors qu’il rencontra là le pire danger auquel il s’exposa sa vie durant ?
  C’est que sur un point névralgique le relief joue à plein contre César.

Un relief favorable à une attaque gauloise décisive

  Les Romains courent un énorme danger. La Côte Poire à-pic qui protège leur camp de plaine de toute sa hauteur se termine au sud par des pentes assez douces pour être dévalées par un assaillant. De nos jours encore c’est la seule zone où une route et plusieurs chemins joignent la plaine à cette partie basse de la Côte Poire finissante. Mis ainsi en position extrêmement favorable, un attaquant disposant de forts effectifs tomberait dans le dos des retranchements faisant face à Vercingétorix ; en même temps, en s’en prenant au camp lui-même, il empêcherait ses occupants de secourir le retranchement pris à revers.
 Que ce retranchement tombe, et c’est la fin du siège, la jonction des armées gauloises, celle des assiégés libérés et celle des renforts, d’où une masse énorme de combattants gaulois réunis et la fin probable des légions.

  La défense de ce passage décisif n’est pas aisée. Tout d’abord, César explique que la colline du nord (la Côte Poire) est trop étendue pour être intégrée dans ses lignes. Il précise aussi que cette colline est relativement impropre à l’installation d’un camp romain classique. Et en effet toute la zone au-dessus du Rocheret est en pente et dominée par le sommet, militairement trop réduit pour être utilisé ; de plus le Rocheret est un ressaut de terrain quasi impraticable ; et sous le Rocheret les pentes ne sont guère favorables non plus. Dans ces conditions, comment empêcher le passage de l’ennemi dans la plaine avec toutes les conséquences que cela entraînerait ?

  Les puissants vestiges militaires découverts par André Berthier donnent la réponse. César opte pour une défense qui prenne de flanc l’accès à la plaine et laisse peut-être un passage vers le Rocheret où les assaillants seraient pris entre les deux camps. Il fait donc fortifier en conséquence le sud-est de la côte Poire malgré ses inconvénients. Tout assaillant se dirigeant vers la plaine basse sera exposé aux contre-attaques parties de cette zone. Il sera donc obligé de s’en emparer avant de poursuivre sa route. La tâche ne serait pas aisée puisque que ce sont deux légions qui tiendront la position.

L’organisation de la défense de l’accès à la plaine

L’organisation de la défense de l’accès à la plaine

  C’est ce qui ressort du texte de César. Il dit en effet confier la défense de ce point à deux légats et donc, puisqu’un légat commande une légion, à deux légions. Il en ressort aussi que si cette zone ne se prêtait guère à l’installation d’un camp, c’est qu’il ne faut pas s’attendre à y trouver les traces d’un camp romain quadrangulaire classique.

  Il n’y a pas à en être surpris : les camps romains de diverses époques qui parsèment l’Espagne et l’ancienne Lusitanie prouvent que les Romains en campagne implantaient leurs camps, surtout lors des sièges, selon les exigences militaires et les possibilités  du terrain. Le relief accidenté et rocailleux (le Rocheret) du sud de la Côte Poire imposa des contraintes identiques.

  L’examen des possibilités d’implantation de ces quelques milliers d’hommes (10 000 ?) permet de supposer que les légions ont pu s’installer l’une au dessus du Rocheret (camp supérieur), l’autre au-dessous (camp inférieur) avec une communication par leur partie nord.

  Quant au Rocheret, impropre à tout cantonnement, la présence de quelques murs encore mal étudiés permettrait peut-être de lui attribuer un rôle militaire qui reste à préciser.

  La vraisemblance de cette disposition est confirmée par les centaines de mètres de murs et de dispositifs divers qui ont été retrouvés dans ces deux zones. Ils ne marquent en effet ni des limites de communes, ni des parcelles cadastrales. Ils utilisent en outre au mieux les courbes de niveau. Leur présence, leur importance, leur disposition et leur structure n’ont d’explication que militaire : organiser une zone de défense et de cantonnement provisoire (peut-être par rotation).

  Insistons sur « la Porte Nord » qui combine un fort mur d’angle en pierre appareillée, une probable base de tour et une chicane taillée dans la roche dont la destination militaire ne peut guère faire de doute. Elle fut savamment décrite par un archéologue de haut rang, M. Lerat, comme étant une moraine, débris naturel laissé par un glacier après sa fonte. En angle droit, avec chicane et pierres appareillées ?  Un miracle de la nature sans doute.

  Il faut noter aussi que les retranchements de ces camps ont pu réutiliser des murs plus anciens, celtiques et préceltiques, probablement cultuels, qui servirent à renforcer les défenses (voir sur la carte les repères A et S).

  Les deux camps, y compris le camp supérieur, peuvent communiquer avec la plaine par des passages naturels que des chemins empruntent encore de nos jours. On s’explique ainsi comment César put envoyer des renforts à l’intérieur des camps dès le début de leur attaque lorsque la menace gauloise s’y fit pressante.
 

  Enfin des passages très raides où passent encore des sentiers permettent en deux endroits de descendre du sommet de la Côte Poire vers le camp supérieur. Ils joueront sans doute un grand rôle dans les revers que les légionnaires subiront au début du combat des camps Nord.

  Précisons encore une fois combien des fouilles complètes seraient nécessaires pour parfaire l’interprétation archéologique et historique de cette zone  complexe. Mais ce qui est déjà établi suffit à en faire un argument essentiel du site.

  Les combats du camp Nord furent décisifs. L’échec sans appel de l’attaque gauloise entraîna la fin du siège mais non la soumission de toute la Gaule où l’agitation se maintint jusqu’aux campagnes d’Auguste au début de son règne. Tout site proposé pour être l'Alésia antique doit nécessairement en présenter une restitution convaincante. Rien de plus simple pour l’Alésia du Jura, il suffit de lire César en gardant un œil sur la carte suivante : tout s’y enchaîne.

Les derniers combats et l’Alésia du Jura

Les derniers combats et l’Alésia du Jura

  D’abord, par une marche de nuit, soixante mille Gaulois atteignent l’arrière de la Côte Poire -1- sans être décelés. Ils y stationnent jusqu’à midi, heure convenue pour une attaque simultanée du nord de la plaine -2- à l’ouest de la Côte Poire, et des camps du sud-est de la Côte Poire -3- par les Gaulois dissimulés derrière.

  L’attaque de la plaine -2- a pour but d’y fixer les Romains tandis que l’attaque puis la prise des camps Nord -3- doivent préparer leur irruption dans la plaine -2 bis- en descendant de la Côte Poire après les avoir emportés.
 

  De l’oppidum, Vercingétorix -4- voit ces combats : il lance ses troupes contre les retranchements -5- qui lui interdisent la sortie vers la plaine.-2 bis-
 

  Au début, les camps de la Côte Poire sont mis en grande difficulté et des lignes cèdent. César envoie des renforts mais la situation reste difficile.

  Vercingétorix voit la progression gauloise. Comme il n’arrive toujours pas à forcer les formidables retranchements de la plaine -5- il envoie ses troupes escalader les hauts talus (praerupta) -6- qui le séparent des camps Nord -3- pour prendre les Romains à revers. Une réaction romaine parvient à les contenir.

  C’est au tour de César de prendre ses adversaires à revers. Il rassemble de la cavalerie, fait rappeler les troupes qui à l’est et au sud de l’oppidum sont encore l’arme au pied. Tous se rejoignent -7- sauf une partie de la cavalerie qui à la fin ira couper -8- la retraite des Gaulois. César se jette sur les Gaulois qui sont alors pris entre lui et les Romains des camps. -3- Les Gaulois sont défaits, leur déroute entraîne le départ et la dispersion de toute l’armée de renfort. Le lendemain, Vercingétorix est remis à César.

  Tel qu’il est décrit par César, cet enchaînement des différentes phases des derniers combats se déroule comme naturellement autour de l’Alésia du Jura. Il n’en est pas de même à Alise-Sainte-Reine, loin de là !

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